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Essais & Simulations n°117

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La simulation, élément indissociable des essais

Dossier L’interview

Dossier L’interview Interview « Les essais demeureront incontournables » Jean-François Imbert, ancien vice-président Engineering d’Airbus et ancien directeur-adjoint d’Intespace, nous dresse un panorama de l’évolution des essais et de la simulation. Pour lui, l’essor actuel de la simulation ne remet pas en cause l’existence et l’importance des essais, mais il insiste sur la nécessité pour ces deux domaines de collaborer plus étroitement. Essais & Simulations Quelle place occupe aujourd’hui la simulation par rapport aux essais ? Jean-François Imbert Clairement, la simulation joue aujourd’hui un rôle croissant. Elle a connu des évolutions considérables dans ces dernières décennies, notamment par rapport à l’époque où elle ne jouait qu’un rôle de support durant les phases de qualification et de certification. Aujourd’hui, elle intervient dans toutes les phases du cycle de vie notamment en amont pour optimiser le produit et en aval, pendant sa vie opérationnelle. La simulation joue un rôle incontournable lorsqu’il est impossible de tester le système en vraie grandeur notamment pour les scénarios d’accident, par exemple dans le secteur nucléaire. Elle joue maintenant un rôle essentiel dans la quête de performance dans des secteurs comme l’aéronautique ou elle est reconnue comme moyen de conformité à part entière, si elle est validée les essais. Ainsi, les décisions industrielles critiques et les démonstrations de conformité reposent de plus en plus sur la simulation. Comment ont évolué les essais ? Il est important de rappeler qu’il y a plusieurs types d’essais : les essais liés à la recherche technologique (R&T), qui concernent notamment la compréhension de phénomènes, les essais d’industrialisation de nouvelles technologies, les essais de développement, les essais de certification etc. Pour ces différents essais, on a pu constater récemment deux grandes tendances, le besoin persistant de programmes d’essais importants compte tenu de l’introduction massive de nouvelles technologies, mais aussi un besoin croissant d’essais de validation induit par le rôle croissant de la simulation. Ainsi les essais « physiques » qui constituaient la part essentielle des démonstrations de conformité changent progressivement de finalité et deviennent des référents de validation des calculs. Qu’en est-il d’un point de vue de la certification ? La certification, c’est la démonstration formelle de la conformité aux exigences réglementaires. Traditionnellement, les essais sont reconnus comme un moyen de conformité privilégié. Mais maintenant, c’est aussi le cas de la simulation… si elle est validée par les essais. La certification des produits industriels complexes a toujours reposé sur l’approche pyramidale. Elle consiste à décomposer le produit considéré en entités de complexité décroissante depuis le niveau des essais d’ensemble puis, en descendant, par les sous-ensembles …, jusqu’aux essais élémentaires sur éprouvette à la base de la pyramide. Prenons l’exemple de la certification des structures aéronautiques ; jusqu’aux années 90, on a utilisé une approche pyramidale essentiellement basée sur les essais ; puis cette pyramide des démonstrations de conformité a progressivement évolué en une pyramide simulation/essais. Par ailleurs, la construction d’une pyramide optimale est un véritable défi ; il s’agit de planifier à chaque niveau, le dosage optimal « essais et simulation ». Très schématiquement on assiste à une rationalisation des essais dans la partie haute de la pyramide (essais d’ensemble, composants principaux …), tout en constatant une demande croissante d’essais de validation ou calibration des modèles, et de caractérisation de variabilité dans la partie basse (coupons, jonctions, détails …). Quels rapports existe-t-il aujourd’hui entre essais et simulation et quelles tendances futures voyez-vous se dessiner ? Avec le rôle accru de la simulation, la demande en essais de validation de modèles va s’amplifier. Or ces essais sont généralement difficiles à cause de difficultés techniques et organisationnelles. Ainsi, leur réussite repose toujours sur une synergie renforcée entre les essais et la simulation, une vieille préoccupation toujours difficile car les départements calculs et essais ont toujours du mal à travailler étroi- Essais & Simulations • JUIN 2014 • PAGE 46

Dossier L’interview tement ensemble. Cette étroite collaboration, au-delà de la simple relation client-fournisseur, doit être effective à chaque étape du processus, établissement des spécifications d’essai, conception et la simulation de l’essai, réalisation de l’essai… A noter également l’intérêt particulier pour « l’essayeur », de la simulation avant essai qui permet de valider la conception de l’essai, notamment sa configuration, ses conditions, ainsi que son instrumentation, par rapport aux exigences de validation. En quoi la simulation devrait-elle prendre encore davantage de place ? Compte tenu des capacités de calcul accrues, la simulation va encore progresser notamment dans les domaines suivants, optimisation multidisciplinaire (MDO), une meilleure intégration au PLM (Product Life Cycle Management ou management du produit durant son cycle de vie) , simulation multi-physique, et simulation réaliste (ou « haute fidélité »)… Ainsi, dès aujourd’hui en aéronautique, on utilise des modèles de simulation réaliste avec plus de 50 millions de degrés de liberté pour maitriser les risques industriels de l’essai statique au niveau de l’avion complet. La réussite de l’implantation industrielle de ces nouvelles capacités de simulation reposera sur un renforcement des processus de V&V (Vérification et Validation) propres à la simulation. En effet l’objectif n’est pas seulement de démontrer que l’on est capable de reproduire avec une certaine précision des résultats d’essais physiques, mais que les modèles ont une réelle capacité prédictive pour un plus large domaine d’utilisation et que nous avons donc une véritable capacité «d’essais virtuels ». Ainsi, il est devenu essentiel de quantifier les incertitudes des deux cotés (simulation et essais) et leur propagation grâce aux approches probabilistes. Notons que ces méthodologies sont couramment pratiquées dans le nucléaire et s’étendent aujourd’hui aux autres secteurs. Et du côté des essais ? La perception des différents acteurs industriels vis-à-vis des essais a sensiblement évolué ces dernières années. L’attitude traditionnelle de certains responsables techniques ou de programme, exigeant systématiquement des essais physiques pour pouvoir prendre des décisions importantes, et n’accordant que peu de crédit à la simulation, semble faire place à une perception apparemment opposée : « la simulation permet la prise de décision plus tôt dans le programme et permet de rationaliser les essais physiques et donc de réduire couts et cycles de développement ». Certains extrapolent cette dernière opinion en prévoyant la disparition des essais physiques à plus ou moins brève échéance en pariant sur la virtualisation totale des processus industriels. Inutile de préciser que je ne suis pas de cet avis ; les essais ont encore de beaux jours devant eux, mais ils doivent s’inscrire dans une évolution des processus industriels, avec notamment, des essais de certification rationalisés et une synergie réussie avec les simulations. Quels sont les défis à relever ? Les fortes exigences de compétitivité industrielle induisent généralement l’introduction massive de nouvelles technologies. Je pense à titre d’exemple au cas des aérostructures et à l’utilisation croissante des matériaux composites. Ce recours à l’innovation conduit à des essais spécifiques et plus complexes dont beaucoup nécessitent une collaboration étroite avec la simulation. Un défi majeur du futur pour les essais est donc celui de la maitrise des processus collaboratifs entre les services essais et simulation, rendantD’autre part, les incertitudes encore persistantes dans les opérations de simulation numérique nécessitent l’utilisation de nombreuses techniques de mesure. Il est important de bien évaluer ces incertitudes, du capteur au traitement du indispensable la mise en place d’ outils collaboratifs efficaces, qui ne sont pas encore entrés dans la pratique courante. Je citerai comme exemple de bonne pratique, le processus MyTest d’Airbus, récemment utilisé pour les essais structuraux et basé sur le progiciel Dynaworks d’Intespace. Il y a un autre défi que je souhaite souligner ici, celui de la maitrise de la quantification des incertitudes en essai, d’une part les incertitudes liées au moyen d’essai et à son pilotage, d’autre part, les incertitudes de la chaine de mesure, du capteur aux processus de traitement du signal qu’il est primordial de bien évaluer pour pouvoir établir une corrélation avec les résultats de simulation. Et concernant les évolutions futures ? La vision 2050 pour l’Aviation (« Flightpath 2050 Europe’s Vision for Aviation ») du Comité européen ACARE (Advisory Council for Aviation Research and Innovation in Europe), prévoit une implantation accrue et massive de la virtualisation donc de la simulation numérique, et tout en poursuivant l’amélioration de la sécurité aérienne, l’avènement de la certification virtuelle, pouvant aller dans le futur jusqu’à la suppression partielle de certains essais de certification. Cette vision confirme bien les tendances que j’ai décrites. Les essais sont donc amenés à poursuivre leur évolution, tout en continuant à jouer un rôle essentiel. Il faut pour cela réussir le défi de la synergie avec la simulation. Propos recueillis par Olivier Guillon Essais & Simulations • JUIN 2014 • PAGE 47

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