Essais et Modelisation Expertise Les essais CEM, un bouclier pour l’aéronautique Responsable des activités Ingénierie Aéronautiques au sein du Groupe d’étude et de recherche appliquée à la compatibilité électromagnétique (Gérac), Stéphane Laik nous en dit plus sur la place de la CEM dans les essais aéronautiques, et tout particulièrement sur leur rôle essentiel pour lutter contre les menaces diverses. Cette question fera notamment l’objet d’une intervention sur le salon Microwave & RF*. Que représente la CEM dans l’aéronautique ? La CEM en aéronautique a pris son essor avec l’intégration de systèmes complexes tels que les commandes de vols électriques et la régulation des moteurs. Parallèlement à cela, le nombre d’émetteurs radiofréquences que l’on trouve au voisinage des aéroports n’a cessé d’augmenter. Pour prendre en compte cette problématique, deux types d’environnements sont considérés : d’une part, l’environnement interne de l’avion caractérisé par l’énergie électromagnétique générée par les équipements embarqués, les décharges électrostatiques d’origine humaine. D’autre part, l’environnement externe de l’avion est caractérisé par la foudre, les champs électromagnétiques intenses et les décharges électrostatiques de structure. Comment cela se traduit-il concrètement ? L’environnement interne de l’avion est principalement géré à l’aide de limites d’émissions d’énergie électromagnétique des équipements, de règles d’installation d’équipements et de câblages et de limites d’immunité aux perturbations du réseau électrique de l’avion. La prise en compte de l’environnement externe de l’avion est moins simple à aborder car il n’est pas maîtrisé par l’avionneur. Il existe une réglementation basée sur une appréciation commune de ces deux menaces que l’on retrouve dans des guides tels que l’ED107 pour les champs électromagnétiques intenses Quelques mots sur Stéphane Laik Stéphane Laik a démarré ses activités professionnelles en 1996 en CEM dans le secteur de la distribution d’énergie. L’objectif était de créer un laboratoire d’essais CEM accrédité Cofrac afin de qualifier les équipements qu’EDF achetaient à SCLE (www.scle.fr). Il « bascule » ensuite dans le domaine aéronautique toujours dans les essais CEM. L’objectif était d’encadrer les activités de la société GEB (devenue A-NOVO puis ANOV) dans le processus de développement de nouveaux programmes avions, de suivi en compagnie pour les programmes existants ainsi que sur des sujets de recherche pour améliorer les techniques de tests sur un avion. Après les essais CEM de certification de l’A380, il commute en 2006 du côté du bureau d’étude CEM afin de travailler sur la certification de l’avion militaire A400M. Parallèlement à cela, Stéphane Laik est responsable des activités Ingénierie Aéronautiques au sein de Gérac. Les deux laboratoires d’essais de Gérac disposent de vingt cages de Faraday et d’un site d’espace libre. D.R. GERAC et l’ED84 pour la foudre. L’objectif final étant de certifier l’avion, il est nécessaire de s’assurer que les systèmes sont protégés de toutes ces menaces. D’un point de vue pratique, lorsqu’un avion est exposé aux menaces externes, des tensions et courants couplés par la structure et les câblages se développent sur les composants électroniques réalisant les fonctions avions. Il est donc nécessaire de construire une marge entre les niveaux de perturbations électriques induits au niveau des composants et le niveau de tenue de ces mêmes composants. Cependant, pour des raisons de développement, il est plus intéressant de construire la marge par rapport à un niveau d’intégration supérieur. Le choix du niveau d’intégration se porte assez naturellement sur l’équipement. Ainsi, le niveau de perturbations à l’entrée des équipements résulte de l’atténuation des menaces externes apportée par la structure et par l’installation. En termes de responsabilités, l’avionneur garantit alors un niveau maximal de perturbations présent sur les câblages et l’équipementier garantit que son produit tient ce niveau maximal. Essais & Simulations • AVRIL 2013 • PAGE 30
Essais et Modelisation Comment obtient-on cette marge ? La démonstration de cette marge s’articule autour de deux types de tests. Le premier au niveau équipement qui est basé sur des essais standardisés décrits dans le document DO160 ou bien dans des spécifications propres à chaque avionneur. Le second s’appuie sur la mesure de fonction de transfert qui est le ratio entre le niveau d’induction sur les câbles et le niveau de menace externe. L’objectif étant de constater une marge positive pour garantir l’intégrité des fonctions avions. Pour sécuriser l’intégrité des fonctions avions, des essais de consolidation sont réalisés au niveau systèmes pour les fonctions dites critiques. Ce sont les fonctions dont la défaillance peut mettre en péril l’avion et ses occupants. Il s’agit en particulier des fonctions de commande de vols ou encore les fonctions de gestion du moteur. Ces essais sont réalisés sur des bancs d’intégrations complexes. Ils permettent de placer les Appareil de mesure en cours d’essai. D.R. GERAC Le Gérac, en bref... Le Groupe d’étude et de recherche appliquée à la compatibilité électromagnétique (Gérac), est une filiale du groupe Thales qui réalise des études et des essais dans le domaine de la CEM et le durcissement contre les environnements électromagnétiques sévères (champs forts, foudre, décharges électrostatiques, impulsion électromagnétique nucléaire, …). Gérac effectue également des tâches de maintenance pour les générateurs et moyens de mesures associés à ces activités. Enfin, l’établissement, dans son centre de Bordeaux, réalise le développement et l’intégration de matériels électroniques comme par exemple des amplificateurs de puissance et des générateurs impulsionnels pour le groupe Thales et des clients externes. Plus près de la préoccupation aéronautique de Gérac, seize personnes (20% environ de l’effectif) travaillent à temps plein pour la certification de l’A400M et de l’A350 sur le volet CEM.Parallèlement à cela, Stéphane Laik est responsable des activités Ingénierie Aéronautiques au sein de Gérac. équipements individuels dans un environnement fonctionnel beaucoup plus représentatif que l’essai équipement. Comment ont évolué les essais ? Les besoins d’évolution d’essais ne sont pas les mêmes pour les équipements, les systèmes et l’avion. Au niveau des équipements, beaucoup d’évolutions ont eu lieu au cours des différentes versions de la DO160 par exemple pour prendre en compte les alimentations d’équipements en fréquence variable (section 18 et 19) ou encore l’utilisation de chambre réverbérante pour les mesures d’émissions rayonnées (section 21). Au niveau du système et au niveau de l’avion en revanche, les évolutions sont beaucoup plus lentes. Elles sont directement liées à la certification de nouveaux programmes avions, lesquelles sont beaucoup moins fréquentes que le lancement ou la modification de nouveaux équipements. Quoi qu’il en soit, une constante demeure : il faut réduire le cycle de développement des avions. Pour ce faire, Gérac travaille actuellement sur un projet de virtualisation de tests avec Thales. L’objectif étant d’utiliser des outils de modélisation numérique pour simuler l’effet des menaces électromagnétiques au niveau équipement. Cela permettra de diminuer le nombre d’essais d’investigations et de limiter dans le meilleur des cas le passage en laboratoire à une seule session de qualification. Qu’en est-il des modèles numériques ? Aujourd’hui, ces modèles existent mais le gros du travail consiste à rendre ce principe industriel. Néanmoins, il n’y aurait pas de réelle plus-value à appliquer ce principe au niveau systèmes. D’une part, seuls les essais champs forts et effets induits de la foudre sont considérés. D’autre part, lorsqu’on arrive à cette étape, ce n’est que pour consolider les comportements fonctionnels qui auront été vu au niveau équipement de sorte que même si les essais sont longs, on ne les pratique qu’une fois par programme. Enfin, concernant la détermination des fonctions de transfert sur avion, les améliorations portent beaucoup sur la durée d’immobilisation de l’avion. En effet, cette campagne de mesures immobilise un avion de développement un mois environ qui est aussi utilisé pour valider d’autres aspects de la certification du programme et tout gain de temps permet d’obtenir plus rapidement la certification. Lors de cette campagne d’essais réalisée au sol, il est nécessaire d’injecter sur la structure de l’avion une menace électromagnétique qui doit se répartir autant que possible comme elle se répartit en vol. Si cette répartition est très dissimilaire, cela nécessite d’appliquer des corrections qui réduisent mécaniquement les marges avec le risque de constater des niveaux induits sur câbles supérieurs aux niveaux de qualification des équipements. Des outils de modélisation numériques sont alors utilisés pour optimiser le setup au sol afin d’une part de minimiser le nombre de configuration d’essais et d’autre part réduire au maximum les dissimilarités de propagation des menaces. La méthode qui reproduit le mieux la répartition des menaces utilise le principe du retour coaxial. Cette méthode présente le gros inconvénient d’immobiliser l’avion afin d’installer la structure de retour de courant autour du fuselage et de la voilure. À l’opposé, l’utilisation d’un plan de masse réduit au maximum le délai d’installation du setup mais introduit de la dissimilarité de couplage. Propos recueillis par Olivier Guillon Essais & Simulations • AVRIL 2013 • PAGE 31
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