Dossier quelques exemples de résultats qu’il a permis d’obtenir. Ceci nous permettra de mettre en évidence l’influence qu’a l’histoire thermique de certains matériaux sur le CTE et notamment l’existence d’un hystérésis du CTE pour des matériaux complexes. Protocole expérimental L’éprouvette à caractériser se présente sous la forme d’un parallélépipède rectangle de section 25 × 2 mm² et de longueur variable 96, 150 ou 250 mm. Nous la plaçons entre les palpeurs du dispositif de mesure et nous recouvrons ensuite l’ensemble d’une boîte radiative. Le tout est placé dans une enceinte à vide et les mesures proprement dites débutent lorsque la pression est de l’ordre de 10 -5 mbar. Les acquisitions – longueurs différentielles (∆L) de l’éprouvette et températures en surface – sont réalisées toutes les 5 secondes tandis que l’éprouvette subit une dizaine de cycles thermiques entre -15 °C et 80 °C à raison d’environ 1 °C par minute. Un programme de traitement des mesures fournit la valeur du CTE pour toutes les températures qui se situent sur la plage explorée lors de l’essai. La fonction associée pour l’approximation du CTE peut être soit un polynôme soit une fraction rationnelle de la température. Quelques exemples de résultats et précision des mesures Des essais sur une éprouvette de Zérodur (de CTE très faible) ont permis de caractériser la précision du moyen de mesures. L’exploitation de l’essai a conduit aux résultats présenté sur la figure 2. Hormis les zones extrêmes où les résultats sont faussés par des effets de bord, nous obtenons une dispersion du CTE σ = 8,5.10 -9 °C -1 et, si l’on considère que l’erreur maximale de mesure est de 3σ = 2,5.10 -8 °C -1 , cette valeur pourtant faible semble encore très dimensionnante puisque l’écart maximum réel entre deux déterminations à la même température n’excède jamais 2.10 -8 °C -1 (valeur obtenue à T=65°C sur la figure 2). Comme la valeur à 3σ n’est jamais atteinte, nous considérons que la précision qui caractérise la détermination du CTE est de 2.10 -8 °C -1 , ce chiffre incluant à la fois la précision des mesures, les défauts de modélisation et de traitement algorithmique. Figure 2 : Courbes du CTE en fonction de la température avec une approximation polynomiale de degré 10 pour une éprouvette de Zérodur de longueur 250 mm. Les zones grisées sont à exclure car elles résultent d’effets de bord de l’algorithme de traitement. Effets de l’histoire thermique sur le coefficient de dilatation Divers laboratoires de recherche sur les matériaux ont déjà mis en évidence des anomalies récurrentes lors des mesures du module d’Young sur des matériaux complexes. Dans le cas des matériaux biphasés, nous pouvons citer par exemple, [Chotard et al (2007)] qui ont mis en évidence la dépendance du module d’Young au sens de variation de la température : elle pu être attribuée à des phénomènes micro structuraux qui provoquent des contraintes internes propres à modifier la valeur du module d’Young. Sur un autre registre, pour caractériser l’endommagement des matériaux réfractaires électrofondus, [Yeugo Fogaing et al (2006)] ont montré l’existence d’un hystérésis du module d’Young en réalisant des mesures entre 0 et 1500 °C : ils ont pu ainsi établir que les dégradations provenaient des différentiels de dilatation liés à des transformations structurelles qui apparaissent avec la température. Les tensions thermiques au sein du milieu cristallin ont été également corrélés aux différentiels de dilatation de manière théorique par [Laval (1961)]. En étudiant la dilatométrie du Nida (2) -Aluminium-Cyanate entre -15 °C et +90 °C, nous avons également remarqué des différences notoires entre les mesures réalisées lors des chauffes et lors des refroidissements, avec au final, une certaine tendance à converger vers un comportement moyen unique au fur et à mesure que l’on répète les cycles. Résultats La figure 3a présente les mesures de dilatométrie réalisées sur une éprouvette de 242 mm de Nida-Aluminium-Cyanate entre -15°C et +90°C. La courbe violette correspond à la température et la courbe bleu foncé aux mesures d’élongation. Nous constatons que les mesures de longueurs différentielles ne sont que très faiblement bruitées et, grâce à un calcul statistique portant sur l’erreur de mesure, nous avons déduit que leur écart type était de 50 nm, ce qui correspond à une erreur maximale de mesure (valeur à 3σ) de 150 nm. Ces mesures nous ont permis de tracer les courbes de CTE en fonction de la température en tenant compte de son sens de variation. Nous en présentons les approximations affines sur la figure 3b et polynomiales d’ordre 10 sur la figure 3c. Nous constatons que ces résultats sont très proches et, compte tenu de cela, nous ne raisonnerons désormais que sur les approximations affines qui semblent suffisamment précise et représentatives des phénomènes à observer. Nous remarquons que les mesures de CTE sont cohérentes entre elles tant que le sens de variation de la température reste le même. Le cas échéant, le CTE est une fonction croissante de la température lorsque l’on chauffe (de -8.10 -7 °C à -4.10 -7 °C -1 ) tandis qu’il est faiblement décroissant lorsque l’on refroidit (de -6.10 -7 °C -1 à -6,5.10 -7 °C -1 ). Toutefois, au fur et à mesure des cycles, les pentes du CTE en chauffe (courbes bleue, rouge violette noire dans cet ordre) tendent à faiblir tandis que celles mesurées en refroidissement restent pratiquement inchangées. Nous pensons donc que la tendance du CTE, lorsqu’elle est mesurée en froid, reste sensiblement la même au cours des différents cycles thermiques, mais qu’en contre-partie, la pente du CTE mesuré au cours des chauffes tend vers une valeur limite, inférieure à celle initiale. Les cycles thermiques tendent donc à ramener les courbes de CTE obtenues lors des chauffes vers celles obtenues lors des refroidissements sans pour cela jamais les rejoindre. Ceci met en évidence deux choses : d’une part, l’histoire thermique du matériau agit le CTE, et d’autre part, le CTE présente un hystérésis, c’est-à-dire, une (2) L’acronyme Nida désigne des structures en Nid d’abeilles. Dans le cas cité dans le texte, la structure de l’Aluminium est en Nid d’abeilles. E S S A I S & S I M U L A T I O N S ● O C TO B R E 2 0 1 2 ● PAG E 4 8
Dossier Figure 3 : a) Variation de longueur et température moyenne en fonction du temps d’une éprouvette de Nida-Aluminium-Cyanate ; b) et c) Courbes du CTE en fonction de la température avec une approximation polynomiale de degrés respectifs 1 et 10. Les traits interrompus et les flèches mettent en évidence un cycle d’hystérésis particulier. non-linéarité qui apparaît systématiquement lors du changement de sens de variation de la température. Nous l’avons fait apparaître schématiquement sur la figure 3b par des flèches indiquant la courbes à suivre lorsque l’on chauffe ou l’on refroidit. Analyse et discussion Les résultats présentés dans la partie 4.1 montrent que les matériaux complexes peuvent présenter des comportements différents selon le sens de variation de température. Par conséquent, la longueur de l’éprouvette est susceptible de varier en fonction de son histoire thermique. Dans le cas particulier de l’éprouvette de Nida- Aluminium-Cyanate, il semble que le matériau tende à se stabiliser lorsque l’on augmente le nombre de cycles thermiques et que l’allure de son CTE tende vers une droite unique (proximité des droites noire et violette sur la figure 3b) mais il semble peu vraisemblable qu’il existe une tendance moyenne unique du CTE qui généralise le cas de la chauffe et du refroidissement. Ceci confirme l’existence d’un hystérésis et par suite, la nécessité de connaître les deux lois de mesures du CTE pour prédire son évolution dimensionnelle en fonction de sa température. Un tel phénomène d’hystérésis du CTE en fonction de la température avait d’ailleurs déjà été constaté par [Courdille et al (1977)] au voisinage de la transition ferroélectrique-ferroélastique pour du Molybdate de Gadolinium. Bien évidemment, les comportements que nous avons pu observer ici ne sont pas généralisables à tous les matériaux com - plexes et ils diffèrent sensiblement selon la famille de matériaux considérée. Par exemple, nous n’avons pas observé d’hystérésis ou un quelconque changement de pente du CTE dans le cas des céramiques telles que le Nitrure de Silicium. Conclusion Parmi tous les paramètres à déterminer pour caractériser un matériau, la dilatation thermique est l’un des paramètres les plus importants car il détermine la cohérence mécanique des assemblages avec les variations de la température. Pour réaliser les mesures de dilatométrie, nous avons mis au point un banc qui utilise un système d’interférométrie laser par effet Doppler. Au cours des essais sous vide, la température de l’échantillon est obtenue en réalisant la moyenne de sa température en surface sachant que sa dynamique est de l’ordre de 1 °C par minute. Résumé La caractérisation des matériaux à faible dilatation thermique, en vue de leur utilisation dans le domaine des satellites, requiert la mesure du coefficient dilatation thermique sur une plage de températures allant de –20 à +100°C. Cette plage est choisie de façon à couvrir le domaine de températures qui règne à l’intérieur d’un satellite au cours de sa vie. Dans ce but, nous avons conçu un banc de mesures utilisant un système d’interférométrie Doppler intégré qui permet la détermination de ce coefficient avec une précision de l’ordre de 2.10 -8 °C -1 . Ce dispositif a permis, en outre, de mettre en évidence, pour un matériau de type sandwich, l’influence du sens de variation de la température lors des mesures et la dépendance des résultats vis-à-vis de l’histoire thermique du matériau. Bibliographie Grâce à différents essais, nous avons pu établir que la dispersion des mesures de longueurs différentielles réalisées par l’inter - féromètre était de 50 nm. Lors de l’étude d’une éprouvette de Nida-Aluminium-Cyanate, nous avons pu mettre en évidence l’effet de son histoire thermique sur son CTE. Elle se traduit par des lois différentes selon que l’on chauffe le matériau ou qu’on le refroidit, et un effet d’hystérésis qui permet de rejoindre les deux lois à une même température ● Jérémy PENEL, ingénieur PHELMA Grenoble INP ; Alain BETTACCHIOLI, ingénieur R&D centre d’essais d’environnement des satellites de Thales Alenia Space Cannes ; Guillaume CATTOEN, technicien responsable d’essais au laboratoire vide thermique de Thales Alenia Space Cannes Chotard T., Huger M., Soro J., 2007, Caractérisation du comportement mécanique endommageable de réfractaires à haute température par couplage de techniques ultrasonores, 18 ème Congrès Français de Mécanique. Yeugo-Fogaing E., Huger M., Chotard T., Gault C., 2006, Caractérisation de l’endommagement d’origine thermique de réfractaires de type électrofondu par techniques acoustiques à haute température, Matériaux 2006. Laval J., 1961, La dilatation thermique du milieu cristallin, Les facteurs de dilatation, Le Journal de Physique et le Radium, Tome 22, Pages 451-458. Courdille J.M., Dumas J., 1977, Etude dilatométrique des coefficients piézoélectriques et électrostrictifs du Molybdate de Gadolinium au voisinage de la transition ferroélastique, Le Journal de Physique, Tome 38, Pages 65-68. E S S A I S & S I MU L A T IO N S ● O C TO B R E 2 0 1 2 ● PAG E 4 9
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