ESSAIS ET MODÉLISATION ENTRETIEN « Les mondes du développement logiciel et de l’ingénierie traditionnelle doivent apprendre à se connaître » Le 23 novembre dernier, à l’occasion de la conférence Nafems 2022, Jean-Baptiste Chancerelle et Pierre- Emmanuel Dumouchel ont animé une conférence portant sur l’ingénierie générative au service de la productivité, la créativité et l’aide à la décision. L’occasion de revenir avec eux sur l’intelligence artificielle, cet un élément clé des programmes d’ingénierie et sur les nouvelles méthodes de travail des ingénieurs. Jean-Baptiste Chancerelle Digital Transformation Catalyst chez Renault Pierre-Emmanuel Dumouchel cofondateur et PDG de Dessia Présentez en quelques mots Dessia. Quel est le savoir-faire de la société et à quels types de clients industriels s’adresse-t-elle ? Pierre-Emmanuel Dumouchel : Nous développons une plateforme Cloud lowcode de structuration du knowledge en ingénierie basée sur l’IA. Nous aidons les ingénieries à digitaliser leur processus de conception existant, ce qui passe par une phase de structuration du savoir, suivie d’une phase d’appel et d’exécution de ce savoir dans les processus existants. Par exemple, nous avons développé pour l’automobile des briques de savoir sur les architectures de câblage électrique et les agencements de batterie lithium-ion. À quelles problématiques en matière de conception et de développement de produits vos clients sont-ils confrontés ? Pierre-Emmanuel Dumouchel : Nos clients sont confrontés à une double problématique de réduction des coûts/temps de développement et de capitalisation du savoir des ingénieurs. Sur le volet réduction du temps de développement, un des souhaits de nos clients est de pouvoir automatiser certaines tâches de conception. Sur le côté capitalisation du savoir, les ingénieurs sont confrontés à la double question : comment structurer mon savoir actuel et comment intégrer mon retour d’expérience dans mon savoir ? Jean-Baptiste Chancerelle : Nous avons des produits de plus en plus complexes répondant à des normes toujours plus nombreuses et plus restrictives qu’il faut être en mesure de vérifier tout au long de la vie du véhicule. Par ailleurs, le marché évolue plus rapidement et plus fortement qu’il ne l’a jamais fait ces cinquante dernières années. Il nous faut de l’agilité, une très grande maîtrise de l’innovation, des processus robustes tout en ayant des temps d’exécution courts. Moyennant quoi nous pouvons répondre au meilleur niveau de performance au variation du marché en assurant une satisfaction optimum pour le client. Quelles réponses leur apportez-vous, en particulier en matière d’IA ? Pierre-Emmanuel Dumouchel : L’IA permet de résoudre deux points majeurs sur la partie structuration du savoir : comment digitaliser le choix intuitif d’un ingénieur ? et comment prendre en compte un savoir tacite (non explicite) d’un ingénieur ? Dans le premier cas, l’IA explicable permet grâce aux arbres de décision d’aider à réaliser ce choix. Et dans le second cas, l’IA statistique permet grâce à l’apprentissage supervisé de modéliser les éléments 14 I ESSAIS & SIMULATIONS • N°151 • Novembre - Décembre 2022 - Janvier 2023
ESSAIS ET MODÉLISATION Bancs de fatigue multiaxes dédiés à l’automobile (trains arrière, berceaux avant) de savoir intuitif de l’ingénieur. Jean-Baptiste Chancerelle : L’avènement de techniques de pointe dans le secteur de l’information nous apporte deux éléments majeures : la capacité à collecter et traiter massivement de l’information – « la Data » et une palette d’outils puissants capable d’interpréter et décrypter la richesse de l’information collectée – « l’IA ». Nous attendons de partenaires comme Dessia qu’ils nous aident à nous doter d’outils qui capitalisent sur ces nouvelles technologies, au service de la performance de notre ingénierie. Plus précisément, avez-vous quelques exemples de projets à nous donner ? Pierre-Emmanuel Dumouchel : Nous avons pour Renault utilisé nos approches d’IA explicable basé sur des arbres de décision afin de trouver l’architecture de refroidissement optimale. Jean-Baptiste Chancerelle : La mise à disposition de 3D dans les phases amont de projet est essentielle si on souhaite construire des concepts robustes prenant en compte l’ensemble des contraintes qu’elles soient géométriques ou fonctionnelles. Concrètement, nous avons construit un démonstrateur capable de concevoir, optimiser et tracer un grand nombre de solutions de circuit d’eau sur un véhicule hybride parmi lesquelles un ingénieur peut choisir le ou les plus pertinents pour son projet. Plus globalement en matière d’IA, en quoi est-ce un outil d’avenir pour les ingénieurs et les bureaux d’études ? Pierre-Emmanuel Dumouchel : Il s’agit d’un nouvel horizon pour les ingénieurs pour deux raisons : la prise en compte du retour d’expérience bon ou mauvais des ingénieurs, et la génération exhaustive en ingénierie. Jean-Baptiste Chancerelle : La palette d’outils que représentent ce qu’on nomme l’IA appuyé sur de nouvelles capacités à collecter de l’information permet de renforcer nos développements par l’expérience acquise. Cela ouvre de nouvelles opportunités d’exploration du champ des possibles en un temps record. Si on tente un parallèle, avec l’avènement Face à la complexité croissante des produits à développer et la réduction de la durée de développement, l’ingénierie doit être augmentée par une IA axée sur la capitalisation et l’enrichissement du savoir des ingénieurs et experts des calculatrices dans les années 1970, nous avons pu exécuter un grand nombre de calcul et obtenir beaucoup plus de résultat de calcul nous informant sur un problème donnée ; de même, là où nous devions rassembler « manuellement » et « une par une » toute les expériences acquise pour en déduire la meilleure façon de répondre à un problème, avec la data et l’IA, nous pouvons maintenant automatiser ces processus et explorer massivement ce qu’on appelle l’espace de conception. L’IA, couplée à la data nous permet d’automatiser la recherche de solution. Quelles sont les bonnes pratiques à adopter – ou comment bien intégrer l’IA dans son service – et, à l’inverse, quels écueils faut-il éviter ? Jean-Baptiste Chancerelle : Le travail à réaliser pour parvenir à mettre en place des outils aboutis et performants est immense. Nous devons avancer pas à pas en commençant par des outils simples et efficaces. L’arrivée de l’IA doit être l’occasion de simplifier la prise en main de nos outils, à la manière des Apps de smartphone. De plus, les mondes du développement logiciel et de l’ingénierie traditionnelle se rencontrent et doivent apprendre à se connaître. Un gros effort de « culturation » doit être effectué pour aider à l’appropriation de nouveaux outils ● Propos recueillis par Olivier Guillon ESSAIS & SIMULATIONS • N°151 • Novembre - Décembre 2022 - Janvier 2023 I15
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