ESSAIS ET MODÉLISATION ANALYSE DE DONNÉES DIALOGUE Les défis de la validation Galileo Florent Mathieu Président et co-fondateur d’EikoSim En tant que leader européen des lanceurs spatiaux, Ariane Group participe avec EikoSim à de multiples projets de recherche et développement, dont un projet de R&D Rapid (« Mutation ») financé par la Direction générale de l’armement. Ce projet vise à développer une plateforme industrielle de dialogue test-simulation pour répondre aux défis d’un développement plus rapide et plus sûr. Dans le cadre de ce projet de R&D, l’un des principaux cas d’utilisation était le test de qualification du dispenseur Galileo dans la version Ariane 6. Un dispenseur est un système placé sous la coiffe du lanceur qui est destiné à libérer un ou plusieurs satellites pendant la mission du lanceur et à les mettre en orbite. Le test est réalisé sur un modèle de vol, ce qui signifie que seuls des cas de charge de qualification sont appliqués à la structure, mais sans jamais atteindre la défaillance. L’objectif était donc double • valider le comportement de la structure pour ces cas de charge. • montrer l’adéquation du modèle sur ce dernier cas d’utilisation, permettant d’avoir une confiance satisfaisante pour extrapoler les prévisions sur des charges plus complexes et plus intenses. La modélisation était composée d’un modèle coques complété par des sous-modèles 3D pour les zones critiques. En pratique, l’analyse post-test devait démontrer la capacité du modèle à prévoir le comportement global de la structure ainsi qu’une différence acceptable entre celui-ci et les résultats des tests à travers les différentes instrumentations mises en place, notamment concernant la linéarité du comportement global. UN PAS VERS LA CONTINUITÉ NUMÉRIQUE Le projet Mutation a été organisé pour permettre de tester directement l’implémentation qui a été faite au sein de la plateforme. Dans cette optique, ce test répondait à une opportunité : évaluer un nouveau processus d’instrumentation, embarquer une large gamme d’instrumentation, et permettre une analyse post-test avec un dialogue test-simulation optimisé grâce à un “jumeau numérique pour la mécanique”. En s’engageant dans ce projet de R&D, avec le soutien de la Direction générale de l’armement, ArianeGroup cherchait à rendre les processus de validation plus fluides et efficaces, afin de permettre une confiance croissante dans les modèles de simulation et de supprimer les tests physiques inutiles. L’un des éléments clés identifiés par les responsables du projet était que les processus actuels impliquaient encore beaucoup de « bricolage », comme le post-traitement très courant des capteurs dans Excel. 26 I ESSAIS & SIMULATIONS • N°150 • Septembre - Octobre - Novembre 2022
ESSAIS ET MODÉLISATION ESSAI - CALCUL de la simulation sur le dispenseur d’Ariane 6 « C’est presque un standard industriel à ce stade, ce qui signifie qu’il y a beaucoup de place pour l’amélioration, et en particulier pour les essais structurels qui impliquent un grand nombre de capteurs », explique Florent Mathieu. En effet, pour ce projet, les ingénieurs de simulation ont passé des centaines d’heures pour la gestion des données dans Excel. Une partie de la gestion des capteurs était déjà disponible dans EikoTwin DIC, mais n’était pas utilisable par les utilisateurs non DIC. « Le travail avec ArianeGroup a permis d’identifier les points de douleur oubliés et de définir les scénarios d’utilisation qui apporteront le plus de valeur à long terme pour notre partenaire, déclare Pierre Baudoin, ingénieur de recherche et chef de projet chez EikoSim. Le post-traitement d’un grand nombre de capteurs était clairement l’une de ces situations ». Sur le papier, la plate-forme ainsi construite a une fonction assez simple : agréger tous les capteurs autour du modèle FE et fournir une comparaison globale. En pratique, de nombreuses opérations sont nécessaires pour analyser réellement toutes les données disponibles, y compris le calcul des capteurs lui-même, mais aussi les fonctions d’agrégation ou la visualisation des résultats. Avec Excel, ces opérations nécessitent beaucoup de développement interne spécifique pour chaque cas. En raison de la grande taille du composant et du fait qu’il était impératif de vérifier qu’il n’était pas endommagé pendant les essais, plus de 200 jauges de contrainte ont été disposées sur le dispenseur. La comparaison de cette grande quantité de données expérimentales avec la simulation présente son propre ensemble de défis. Premièrement, la nécessité de fournir des prévisions de simulation pour cet ensemble de capteurs, et de les mettre à jour rapidement lorsque le modèle est modifié. Deuxièmement, des outils dédiés ont été nécessaires pour automatiser l’importation de données expérimentales à travers ce grand nombre de jauges de contrainte et pour afficher les comparaisons test-simulation de manière efficace. VERS UNE AMÉLIORATION DE LA CONFIANCE DANS LES MODÈLES « Avec ce logiciel, nous pouvons déjà espérer un gain de temps d’environ 40% pour la seule gestion des données, ce qui représente des centaines d’heures, mais également plus de robustesse et beaucoup moins d’erreurs humaines », déclare Jérémy Pradelli, ingénieur simulation chez ArianeGroup. Le problème de l’utilisation d’Excel est qu’elle oblige à tout construire à partir de zéro pour chaque nouveau projet. Cela peut créer des erreurs d’utilisation après des centaines d’heures passées à copier/coller des données, malgré les meilleurs efforts des ingénieurs. L’utilisation d’une solution plus intégrée garantit également que tout le monde utilise le même algorithme de post-traitement pour un capteur donné, et que cet algorithme a été validé par des experts. PERSPECTIVES La suite logique de ce travail est de permettre une intégration complète avec les dernières techniques de vérification, de validation et de quantification des incertitudes (VVUQ). Ce travail a déjà été entamé par le consortium, notamment en intégrant les incertitudes de mesure au processus d’analyse, ce qui sera primordial pour les ingénieurs CAE pour justifier les choix de modélisation. Enfin, la plateforme est modulaire par nature, puisque d’autres techniques de mesure sont déjà en cours d’intégration, comme le suivi de marqueurs ou la mesure par fibres optiques des déformations linéaires ● Florent Mathieu (EikoSim) ESSAIS & SIMULATIONS • N°150 • Septembre - Octobre - Novembre 2022 I27
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